Selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le mésusage, les intoxications et les décès liés à la consommation d’antidouleurs opioïdes ont beaucoup augmenté en France depuis les années 2000. Si l’on est encore loin de l’hécatombe américaine provoquée par ces médicaments, la vigilance s’impose.
D’après les données de l’Assurance maladie, près de 10 millions de Français ont eu une prescription d’antalgiques opioïdes en 2015. Aujourd’hui, ces médicaments antidouleur dérivés de l’opium sont devenus la première cause d’overdose dans notre pays. Si l’on est encore très loin de la situation américaine (64 000 décès en 2016), le nombre d’hospitalisations liées à la consommation de ces produits disponibles uniquement sur prescription médicale « a augmenté de 167 % entre 2000 et 2017 passant de 15 à 40 […] pour 1 million d’habitants », indique l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans un rapport publié récemment sur la question. Le nombre de morts a quant à lui progressé « de 146 % entre 2000 et 2015, avec au moins quatre décès par semaine », soit environ un millier chaque année. Un phénomène inquiétant, pris très au sérieux par les autorités sanitaires. L’ANSM rappelle qu’elle mène régulièrement « des actions visant à contrôler l’encadrement de ces médicaments en termes de conditions de prescription et de délivrance, d’interdiction de publicité auprès du grand public et d’informations à destination des professionnels de santé. Elle surveille attentivement la consommation des antalgiques opioïdes et des risques associés. »
Prise en charge de la douleur
La croissance de la consommation de ces produits s’inscrit « dans la politique d’amélioration de la prise en charge de la douleur de part, notamment, des plans ministériels de lutte contre la douleur ayant été mis en place depuis 1998 », constate l’agence. Et l’ANSM de rappeler que les opioïdes « ont un intérêt majeur et incontestable » pour soulager ceux qui souffrent et qu’ils restent moins consommés que les antalgiques non-opioïdes (paracétamol, aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens). Les complications médicales graves, l’augmentation du mésusage et des intoxications liées à ces médicaments touche principalement des « patients[…] qui développent une dépendance primaire à leur traitement et parfois le détournent de son indication initiale ». L’émission Envoyé spécial diffusée dernièrement sur France 2 a montré la facilité avec laquelle on pouvait se procurer des opioïdes dans certaines pharmacies sans avoir d’ordonnance.
Tramadol et codéïne
En 2017, l’antalgique opioïde le plus consommé en France est le tramadol (+ 68 % entre 2006 et 2017), puis la codéine en association et la poudre d’opium associée au paracétamol (opioïdes faibles). « Viennent ensuite la morphine, premier antalgique opioïde fort, l’oxycodone, à présent pratiquement autant consommé que la morphine, puis le fentanyl », précise l’Agence. Pour les autorités sanitaires françaises l’enjeu consiste aujourd’hui à « sécuriser au mieux l’utilisation » de ces produits, « sans restreindre leur accès aux patients qui en ont besoin ». Dans cette optique, l’ANSM recommande notamment de maintenir la surveillance sanitaire, de renforcer la formation des professionnels de santé sur la prescription et la délivrance des antalgiques opioïdes, d’améliorer le parcours de soins et la diffusion de l’information auprès du grand public, d’élaborer des recommandations précises sur le bon usage des opioïdes faible dans les douleurs aiguës, de mieux identifier les populations à risque et de promouvoir la recherche et les essais cliniques pour élargir l’arsenal thérapeutique disponible.